S’il est un homme qui mérite de donner le coup d’envoi d’un match du FCR, c’est bien lui. Photographe officiel et bénévole du club depuis plus de quinze ans, Bernard Morvan est dans son jardin à Diochon. Entretien avec un serviteur discret et dévoué, qui participe amplement au rayonnement du club. À lire absolument.

 

Bernard, peux-tu te présenter en quelques mots ?

Je m’appelle Bernard Morvan, j’ai 75 ans et je suis mi-Normand, mi-Breton – eh oui, ça existe ! Je suis le photographe officiel du club, je couvre les entraînements, les matchs – à Diochon comme à l’extérieur – et toutes les manifestations du FCR. J’ai aussi été un joueur modeste dans les années 70, en section amateurs.

Dans quel domaine travaillais-tu avant de prendre ta retraite ?

J’ai été cadre commercial dans une entreprise qui vendait des produits industriels de maintenance. Et avant ça, j’ai servi dans les années 60 en tant que « missilier » dans la Marine Nationale, ce qui m’a notamment permis d’escorter le Général de Gaulle lors de son voyage en bateau au Québec – avec sa fameuse phrase « Vive le Québec libre ! » – et d’assister à des essais nucléaires en Polynésie.

Comment a commencé ton histoire de supporter avec le FCR ?

Ça remonte à trop loin (rire) ! Ce que je peux dire, c’est que j’ai assisté à des matchs mythiques, comme celui contre Saint-Etienne avec ce record de spectateurs qui ne risque pas d’être battu de sitôt. C’était complètement fou, il y avait des grappes humaines accrochées aux pylônes électriques, des gamins étaient assis jusque sur le terrain, l’arbitre de touche devait quasiment les enjamber. Aujourd’hui, ça paraîtrait insensé ! À l’époque déjà, le cœur du FCR battait dans la tribune Shell (future Lenoble), on était serré les uns contre les autres et il y avait un vacarme incroyable. On sentait la tribune trembler !

D’où vient ta passion pour la photo ?

Quand j’étais ado, j’ai reçu un appareil photo pour Noël – un Ultra-Fex – et j’ai commencé comme ça. C’était le temps de l’argentique, avec des pellicules. Il y avait un déchet incroyable (rire). Le numérique a révolutionné la photo, aujourd’hui l’appareil se règle tout seul. Et avec l’ère des smartphones, tout le monde se prétend photographe. Moi, je ne suis pas photographe professionnel mais je me définis comme un photographe avisé.

À quel moment as-tu commencé à concilier ta passion pour la photo et celle pour le FCR ?

Au début des années 2000, je faisais des photos au stade, mais à titre personnel. Et sous l’ère Darmon, j’ai été intronisé comme photographe du club, sous l’aile de Jean-François Damois qui était le titulaire. Sur le plan humain, j’ai beaucoup aimé Pascal Darmon. Son assassinat m’a beaucoup affecté, je vais régulièrement fleurir sa tombe…

Qu’est-ce qui fait un bon photographe de sport ?

Ce n’est pas impératif mais c’est une valeur ajoutée si tu as été toi-même un sportif. L’œil est plus affûté, ça permet d’anticiper des clichés car tu sais comment va évoluer l’action.

 

« C’est une règle d’or pour moi de ne jamais révéler ce que je peux voir ou entendre »

 

Meilleur et pire souvenir lié au FCR ?

La victoire 4-0 face au HAC en 2004. C’était tellement inattendu, un kif pas possible ! Le pire, c’est l’année suivante, avec la descente en National puis celle en CFA. Deux relégations de suite, ça m’avait estomaqué.

Top 3 de tes joueurs préférés toutes époques confondues ?

Compliqué… Je suis toujours en contact avec certains joueurs des années 60 en D1. Druda, Dortomb, Poulain, Vitulin, Lemaître… J’ai adoré Carrié et Notheaux aussi. Et puis Daniel Horlaville, un super joueur et un super mec. Un peu plus tard, Da Silva et Dugimont… Oui, je sais : ça fait plus de trois mais c’est le côté affectif qui parle !

Que dirais-tu aux plus jeunes, qui n’ont pas connu ces époques glorieuses ?

Qu’il faut se rendre compte de la place que le FCR avait dans le foot français. Dans les années 70, c’était une place forte : tous les gros clubs, les Saint-Etienne, les Bordeaux, les Monaco et autres repartaient de Diochon en ayant perdu le match. C’est ce qui fait que les plus anciens comme moi sont nostalgiques de cette époque… Et c’est pour ça qu’il faut raconter ces faits glorieux aux plus jeunes. La transmission de la passion pour le FCR se fait souvent par le père ou le grand-père.

Quelles relations entretiens-tu avec les joueurs ?

Une relation de confiance. Les joueurs m’ont toujours accordé la leur parce qu’ils savent que, quoi qu’il se dise et quoi qu’il se passe dans le vestiaire ou à l’entraînement, ça ne sortira jamais dans les médias. C’est une règle d’or pour moi de ne jamais révéler ce que je peux voir ou entendre.

Toi qui côtoies le groupe au quotidien, quel est ton regard sur la cuvée 2023-2024 ?

Je ne pense que du bien de ce groupe. On a vraiment affaire à de bons mecs, à commencer par le chef d’orchestre. Étant chaque jour à l’entraînement, j’entends ce que dit D’Ornano et la façon dont il manage ce groupe. Pour lui, la force collective est supérieure à la somme des individualités. C’est une belle notion.

En parlant du coach, y a-t-il des entraîneurs qui t’ont particulièrement marqué ?

Bien sûr. Didier Ollé-Nicolle par exemple. Son passage a été important et en 2013 il a été victime comme tout le monde du dépôt de bilan provoqué par Granturco. Éric Garcin aussi, qui s’est donné corps et âme pour le club, nous a fait remonter et maintenu en National. Il a quitté le FCR par la petite porte et ne méritait pas ça.

Tu vas donner le coup d’envoi demain soir. Toi qui es discret et qui n’aime pas être mis en avant, que ressentiras-tu au moment de fouler la pelouse de « ton » stade ?

(Ému) Je vais penser à mon père. J’ai assisté à beaucoup de matchs avec lui, en tribune Shell. Il n’est plus là mais j’aurai un regard vers la Lenoble, à l’endroit où on se plaçait. J’aurai aussi une pensée pour Arlette Toussaint, la regrettée présidente du 12 avec qui j’ai eu la chance de collaborer.