Dominique Bougon : « Je suis plus qu’amoureux de mon club »
Un an après avoir pris du recul, « Doumé » est revenu au FCR cet été en tant qu’entraîneur des gardiens et livre un regard acéré sur ses protégés, sur le début de saison, sur sa méthode et sur la situation du club. Attention, entretien-vérité.
Doumé, après un an à la retraite, tu as décidé de revenir au club cet été. Tu en avais marre de bricoler dans ton garage ?
En fait, je suis revenu parce que je suis plus qu’amoureux de mon club. La seule chose qui me rattachait encore au FCR l’année dernière, c’était d’aller voir les matchs. Et à cause du Covid, j’en ai été privé. Et puis, il y a trois mois, Arnaud m’a sollicité, puis Foul’, puis Charles Maarek… La première chose que j’ai faite, c’est d’appeler Fred Marguet parce que je ne voulais pas prendre sa place. Quand il m’a confirmé qu’il partait, j’ai réfléchi et j’en ai parlé à ma femme. Elle m’a regardé, elle a souri et a dit : « Tu veux y aller, alors vas-y. » Donc j’ai fait le canard, j’ai écouté ma femme (rire) ! J’avais pourtant fait mon deuil mais j’ai replongé. Il n’y a que les cons qui ne changent pas d’avis…
Qu’est-ce qui a changé en un an ?
Je ne te cache pas que… Mon Dieu, on n’est pas aidé ! Avoir quarante terrains d’entraînement différents, trimballer le matériel en permanence, les trajets, les vans à charger puis à décharger… À soixante piges, toute cette logistique me fatigue. Normalement, après un entraînement, un coach range son matos dans le local et repart chez lui. Nous, ça ne marche pas comme ça. On n’est plus chez nous. QRM est monté en L2, bravo à eux. Je n’en veux à personne mais on est clairement défavorisé.
Comment va ta santé ?
Je me soigne encore. Tout n’est pas rétabli au niveau des jambes, mais le cœur va bien. J’étais monté à 111kg, j’en ai perdu dix depuis que j’ai repris. C’est à moi de savoir gérer mon corps mais comme je veux tout faire à fond… Le FCR, ce n’est pas un petit club. On n’y fait pas les choses à moitié.
Tu connaissais déjà le préparateur physique, Thomas Legrand.
Oui, on avait eu la D2 féminine ensemble. On a une relation… pas de père à gamin mais pas loin. Disons… de grand pote à petit pote ! Il m’aide beaucoup, c’est le seul qui arrive à me calmer quand je pars en cacahuète.
« Ça nous arrive très souvent de faire les cons entre nous. Encore heureux ! »
Tu as découvert un nouveau groupe, avec quelques anciens mais aussi pas mal de nouveaux.
Oui. Mais ça s’est tout de suite bien passé. Parfois, je suis plus à l’aise avec des jeunes qu’avec des gens de mon âge. Et puis ce sont des gars corrects. À partir du moment où il y a « bonjour », « au revoir » et « merci », ça me va. Je suis un peu « vieille France » là-dessus, mais c’est la base.
On dit que les gardiens sont une famille un peu à part dans le foot. Comment vis-tu avec ta « famille » ?
J’ai toujours été assez protecteur. Plus je les ai, plus je suis heureux. En tant qu’entraîneur des gardiens, on a une relation différente avec ses mecs. On est quatre, cinq, pas plus. Ça crée des liens particuliers. Et puis, cette année plus que les autres, j’ai deux gardiens qui sont à l’écoute, posent beaucoup de questions, qui veulent sans cesse comprendre ce qu’ils font, pourquoi on fait tel ou tel exercice. Ce sont deux grands gardiens et c’est très enrichissant pour moi aussi. Le petit Bello lui, est plus jeune, plus timide. On essaie de le faire grandir.
C’est quoi, la « méthode Bougon » ?
C’est la mienne ! Un mélange de sérieux et d’humour. Il y a des protocoles en place, je fais des trucs qu’on ne fait pas forcément dans les autres clubs mais comme ça marche, je continue. Après, tout est dans la relation. À mon âge, j’essaie de garder une certaine distance tout étant proche d’eux. On n’est pas tout à fait des potes, mais ça nous arrive très souvent de faire les cons entre nous. Encore heureux ! Si j’avais des gardiens de Ligue 1, je serais peut-être différent. Encore que, je ne sais même pas…
« J’ai toujours été fan d’Olmeta »
Jonathan Monteiro a un jeu à risque, il aime sortir, parfois dribbler l’attaquant… Tu en penses quoi depuis le banc ?
Quoi qu’on fasse, quoi qu’on dise, ce sont eux qui sont sur le terrain. De mon point de vue, c’est une situation qui ne doit pas arriver. Si le mec se retrouve dans cette situation et qu’il fait ce choix, il a intérêt à réussir ! Moi je leur demande de jouer autrement. De se placer parfois de façon contre-intuitive. Je ne vais pas tout dévoiler mais j’ai analysé plein de phases de jeu sur des matchs de Ligue 1 ou de Coupe d’Europe et si, selon moi, le meilleur placement c’est « là », alors je vais les forcer à se placer « là » parce qu’en terme de stats, le pourcentage de réussite est meilleur à cet endroit. J’ai mon propre truc mais après, je discute beaucoup avec mon pote Mickaël Boully, le coach des gardiens du Paris FC (et ancien gardien rouennais époque OGR).
Après cette première victoire à Chartres, que penses-tu de notre début de saison ?
C’est bien. Parce que tout le monde bosse dur. Entre Arnaud et Foul qui s’accordent à merveille, le boulot très costaud que fait Thomas à la prépa… Ça récompense le travail qu’on fait. Maintenant, il faudra voir – le plus tard possible – comment on réagira quand on va perdre un match. Jusqu’ici, on n’a pris qu’un seul but – et encore, sur penalty – et je me dis que ce qu’on a bossé a peut-être permis d’éviter un ou deux buts.
À l’heure actuelle, quel est pour toi le meilleur gardien du monde ?
Il est en fin de carrière mais j’aime bien Buffon, notamment son jeu au pied. Maintenant, j’ai toujours été fan d’Olmeta : des couleurs partout, complètement allumé, un jeu à risques, spectaculaire. Je ne suis pas très « gardien propre », il me faut une certaine folie.
Tu vois évoluer le club depuis plus de 50 ans. Comment imagines-tu son futur et comptes-tu en faire partie ?
Ce n’est pas seulement le sportif qui va décider de l’avenir du FCR. Si on a de bons résultats rapidement, on peut être optimiste. Si ce n’est pas le cas, on risque d’être déçu. Je ne suis pas certain que ça suivra derrière, au niveau politique. J’aimerais bien que certains viennent me voir pour discuter. Je sais qu’ils ont une ville à gérer et n’ont pas que ça à faire mais je pense qu’ils apprendraient des choses. Qu’ils verraient qu’on bosse dans des conditions précaires et que pourtant, on bosse bien. Quant à moi, quoi qu’il arrive ensuite, j’aurais été jusqu’au bout avec mon club, j’aurais tout donné.