Avec 138 matchs et 52 buts sous le maillot rouge, Abdelmajid Bourebbou a marqué l’histoire du FCR de son empreinte, avant de jouer la Coupe du Monde 1982 avec l’Algérie. Avec Bruno Mignot, il donnera le coup d’envoi samedi face à Vannes. Entretien avec une légende.

Abdelmajid, que faites-vous aujourd’hui ?

Je suis retraité, j’habite à la Mailleraye-sur-Seine depuis 35 ans, j’ai une petite maison avec pas mal de terrain. Ça m’occupe.

Revenons sur votre carrière. Vous débarquez en Normandie depuis l’Algérie à l’âge de 12 ans…

Oui, j’ai démarré le foot en France à l’ASPTT Rouen. J’ai été repéré par l’USQ lors d’un match de Coupe de Normandie. À l’époque, l’USQ était un club majeur.

Après deux saisons à Quevilly, vous allez en passez six sous le maillot des Diables Rouges.

C’est ça. J’ai eu une proposition du FCR en 1972. Au départ, c’était pour jouer avec la réserve. Mais le club attendait un avant-centre qui n’est jamais venu, j’ai donc intégré l’équipe première en D2 et j’ai marqué une quinzaine de buts.

Vous jouiez alors dans l’axe, avant d’être décalé sur l’aile droite par la suite.

Sur l’aile, ça collait avec mes qualités de vitesse et de dribble, je pouvais éliminer, proposer des solutions et surtout servir l’avant-centre. J’adorais faire des passes. À Laval, j’ai fini une saison en D1 à 17 passes décisives pour le même joueur, l’Allemand Kostedde qui avait terminé co-meilleur buteur du championnat avec Onnis.

Le meilleur et le pire souvenir de vos six saisons rouennaises ?

Le meilleur, c’est le 8e de finale de Coupe de France contre Saint-Etienne en 1977. J’avais égalisé après le but de Larqué et le lendemain, j’avais eu droit aux éloges de la presse, L’Équipe avait titré : « On attendait l’Ange Vert (Rocheteau), on a découvert le Diable Rouge (Bourebbou) ». C’est vrai que ce soir-là, j’avais fait un match exceptionnel. Le pire, c’est la relégation en D2 de 1978. Je jouais avec mes potes, les Carrié, Bianchi, Trezeguet, Vitula… C’était dur de partir mais je voulais continuer à jouer en D1 et Le Milinaire me voulait à Laval, où j’ai été élu meilleur ailier du championnat la saison suivante.

« Il faut deux mètres carrés à Rocheteau pour dribbler un joueur, il suffit d’un mètre carré à Bourebbou pour en dribbler deux »

Pour ceux qui ne vous ont jamais vu jouer, quel genre d’attaquant étiez-vous ?

À l’époque, on ne faisait pas de boulot défensif comme le font les attaquants actuels. Moi, je me repliais jusqu’à la ligne médiane, pas plus bas. Je gardais mes forces pour les phases offensives parce que je n’avais pas le physique pour être à fond défensivement et offensivement.

Vous avez failli jouer en équipe de France…

Oui. Serge, le frère jumeau de Michel Hidalgo – alors sélectionneur des Bleus -, travaillait chez Lozai. Il m’avait dit : « Tiens-toi prêt, Michel ne va pas tarder à t’appeler ». Mais ça ne s’est pas fait.

Cela a fait le bonheur de l’Algérie et vous a permis de jouer la Coupe du Monde 1982.

C’est vrai. Mes performances au Stade Lavallois et de bons matchs amicaux m’ont permis de gagner ma place dans le groupe.

Un grand souvenir mais aussi une grande frustration pour les Fennecs et pour vous, à titre personnel…

Tout à fait. Pour l’équipe, car on devait gagner par deux buts d’écart lors du 3e match de poule décisif face au Chili pour se qualifier. Mais on n’a gagné que 3-2 et on a finalement été éliminés après le « match de la honte » entre l’Allemagne et l’Autriche. Et à titre personnel parce que je suis titulaire lors de ce match, qu’on mène 3-0 avec deux passes décisives de ma part, et que le coach me sort à la 30e minute de jeu. Personne n’a jamais compris pourquoi. Je n’ai toujours pas la réponse aujourd’hui.

Vous avez laissé d’excellents souvenirs aux supporters rouennais qui vous ont vu jouer. Pourquoi avez-vous autant marqué les esprits ?

Je pense que j’étais un joueur spectaculaire. J’allais vite, j’avais une bonne technique, je dribblais bien. Jacques Hardouin avait écrit dans Liberté Dimanche : « Il faut deux mètres carrés à Rocheteau pour dribbler un joueur, il suffit d’un mètre carré à Bourebbou pour en dribbler deux ». Ça résume bien ce qu’était mon jeu. Et puis quand j’étais euphorique, je montais au grillage bref, je pense que je leur ai fait passer quelques bonnes soirées au stade.

Suivez-vous toujours le club aujourd’hui ?

Bien sûr. Je lis la presse et puis j’ai des petits jeunes de la Mailleraye qui sont abonnés. Les lendemains de match à Diochon, ils viennent me faire le compte-rendu. Je suis aussi président d’honneur des Culs Rouges. J’espère leur porter chance samedi. Si on perd, je ne reviendrai plus (rire) ! En revanche, si la montée est au rendez-vous, je reviendrai à Diochon pour fêter ça !